Microbiote intestinal des Français: les enfants et adolescents à leur tour en selles
Cartographier le microbiote des jeunes Français pour mieux comprendre les liens avec la santé et certaines maladies: un vaste projet de collecte et d'analyse de selles, "Le French Gut", s'élargit aux enfants et adolescents de 3 à 17 ans.
Ecosystème complexe de milliards de micro-organismes peuplant notre intestin, le microbiote est déjà reconnu comme un acteur de la bonne santé: digestion, immunité, protection de la muqueuse intestinale... Mais son aide potentielle pour mieux prévenir et soigner des pathologies chroniques (diabète, obésité, cancer, Parkinson, troubles neurodéveloppementaux...) reste encore à éclaircir.
Depuis trois ans, en France, un projet ambitieux vise à collecter, en plusieurs vagues, 100.000 échantillons d'ici 2029 pour mieux comprendre le rôle du microbiote intestinal et les liens éventuels entre ses déséquilibres et diverses maladies. Il s'agit notamment d'identifier des profils de microbiote de personnes en bonne santé et d'en faire une sorte de baromètre.
Cette recherche participative -pilotée par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), avec d'autres partenaires, publics et privés- n'était jusqu'ici ouverte qu'aux adultes.
Mais s'il y a des études concernant le microbiote dans les premières années de vie, "c'est le trou noir" pour les 3-18 ans, pourtant "période critique" de transitions (physiologie, hormones, alimentation, mode de vie), selon Alexis Mosca, spécialiste de maladies digestives à l'hôpital Robert Debré AP-HP.
Le "French Gut Kids" entend recueillir des échantillons de selles de 10.000 jeunes de 3 à 17 ans, en bonne santé ou malades, de toutes régions de l'Hexagone. En pratique, les jeunes doivent s'inscrire avec leur parent sur un site, répondre à des questions sur leur alimentation et leur santé, envoyer l'échantillon par la Poste.
Objectifs: caractériser la diversité du microbiote intestinal, étudier l'impact de l'alimentation, du mode de vie et de l'environnement familial, comprendre la transmission de bactéries de parent à enfant, explorer les liens avec des pathologies fréquentes chez l'enfant (asthme, maladies intestinales...).
- "Pas de la science-fiction" -
Pour sensibiliser aussi les 6-13 ans, un kit pédagogique - podcast autour des bactéries Cocco et Lacto, vidéo et dispositif interactif digital-, circulera dans des lieux où ils sont reçus, à commencer par l'AP-HP, et sur les réseaux sociaux.
Avec le French Gut, pour les jeunes comme pour les adultes, l'enjeu est de répondre à "une question brûlante: est-ce que (le microbiote) c'est un facteur central dans beaucoup de pathologies, ou pas?", a résumé devant la presse le Pr Robert Benamouzig, chef du service gastro-entérologie à l'hôpital Avicenne AP-HP et coordinateur du projet.
Le contexte, a-t-il rappelé, est celui d'"une explosion, au plan épidémiologique, des maladies chroniques" et d'interrogations sur une influence de facteurs liés à l'environnement et au mode de vie, comme pour "le cancer du côlon chez des moins de 50 ans".
A ce stade, la barre des 30.000 adultes volontaires, en majorité des femmes et des 30-70 ans, a été atteinte. Près d'un tiers des participants déclarent une maladie chronique, voire plusieurs (hypertension artérielle, pathologies digestives, maladies respiratoires, dépression, endométriose...).
"Déjà 5.000 échantillons de microbiote ont été séquencés, 10.000 le seront cette fin d'année et 30.000 fin 2026", a précisé le Dr Patrick Veiga (Inrae), directeur scientifique.
Dans les premiers constats: "un appauvrissement du microbiote intestinal en fonction de l'accumulation des maladies", et "ce qui nous a frappé, c'est la chute de la diversité du microbiote pour les 18-29 ans", source d'interrogations, a-t-il dit.
L'espoir, à terme, est d'utiliser le microbiote pour renseigner sur la présence d'une pathologie, sa vitesse d'aggravation mais aussi pour prédire la réponse à un traitement, comme l'immunothérapie dans les cancers.
"On peut imaginer un test fécal, à un coût raisonnable, des médecins du microbiote sachant lire ces résultats (...), des actions de prévention, de correction de traitements. Cela ne me paraît pas de la science fiction", a déclaré le Pr Benamouzig.
Attention, à l'inverse, aux actuels "tests de microbiote", objet d'un usage croissant dans certains pays: comme "il n'y a pas encore de seuils de référence", ces tests "sont récréatifs" mais "pas utiles", a résumé le Dr Veiga.
萬-M.Wàn--THT-士蔑報