

Vu des rangs ukrainiens, la trêve de Poutine n'a pas enrayé la guerre
Des cernes soulignent les yeux azur d'Oleg, soignant militaire ukrainien de 42 ans, la courte trêve déclarée par la Russie cette semaine ne lui ayant pas permis de se reposer.
"Si vous regardez la télévision, à l'écran, ça peut ressembler à une trêve mais sur le champ de bataille, ce n'est pas vraiment le cas", dit le médecin, rencontré par l'AFP vendredi dans la région de Dnipropetrovsk. "La guerre continue."
Dans le bataillon Aïdar, dont Oleg fait partie, plusieurs soldats ont été blessés en dépit du cessez-le-feu annoncé unilatéralement par Vladimir Poutine, selon un porte-parole.
Ils opèrent à l'ouest de Pokrovsk, dans la région orientale de Donetsk. La défense de cette ville contre l'assaut acharné des forces russes a déjà tué "des milliers de personnes", a dit samedi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Poutine a décrété unilatéralement une trêve de jeudi à samedi soir, à l'occasion des grandes célébrations à Moscou des 80 ans de la victoire sur l'Allemagne nazie.
L'Ukraine a accusé la Russie d'avoir continué ses attaques tout le long de la ligne de front, tandis que Moscou a assuré se contenter de "répondre" à des violations ukrainiennes, des affirmations très difficilement vérifiables de façon indépendante.
Selon Oleg, la trêve a été "insignifiante" à l'échelle du conflit, mais "efficace" par endroits.
Elle a créé une "opportunité" pour évacuer des soldats blessés ou tués au front, explique le chef du service médical d'Aïdar, Vitaliï.
Des militaires de son bataillon, "non armés" et portant un drapeau blanc, se sont risqués sur le champ de bataille pour les récupérer, détaille-t-il.
Un soldat blessé ne peut pas toujours être évacué immédiatement, si les hostilités sont trop intenses. Or, le temps écoulé réduit ses chances de survie.
L'équipe médicale du bataillon est donc soulagée d'avoir pu tirer ces hommes de là. Mais de là à en conclure que le nombre d'attaques russes a baissé durant la trêve, "non, ce n'était pas le cas", reprend Vitaliï.
Selon lui, les drones "volent toujours, l'artillerie fait toujours feu" et "peu de choses ont changé".
- "Calme" -
Dans la région de Kharkiv (nord-est), l'intensité des combats est aussi restée "à peu près la même" qu'avant le début du cessez-le-feu, selon le porte-parole de la brigade Khartia.
"Il n'y a pas de trêve pour l'instant", dit-il samedi à l'AFP.
Selon lui, les forces russes ont lancé contre ses troupes jusqu'à une centaine de tirs à l'arme lourde chaque jour depuis jeudi.
Plus loin du front, les autorités régionales ukrainiennes ont fait part de frappes russes ayant tué ou blessé des civils, notamment à l'aide de drones.
Mais l'Ukraine n'a pas fait état de frappes de missiles russes ou de drones de longue portée sur ses villes depuis le début de la trêve.
Valentyn, soldat de 47 ans au sein du bataillon Aïdar, se dit que cela aura peut-être offert un semblant de répit aux civils, notamment aux proches de militaires, qui s'inquiètent constamment. "Au moins, cela tranquillisera nos mères, nos femmes".
Pour lui aussi, ces derniers jours ont été "un peu plus faciles, émotionnellement". Habituellement, "on est à fleur de peau. Là, je me sens calme", dit Valentyn, son fusil d'assaut posé à côté de lui.
Ce conducteur de véhicule militaire profite d'une courte pause, mais il devra bientôt repartir sur les routes cabossées de l'Est, vers le chaos du front.
- du "blabla" -
Valentyn aurait bien voulu que le cessez-le-feu dure un peu plus longtemps, histoire "de souffler un peu".
En avril déjà, Moscou avait annoncé une trêve de 30 heures à Pâques, que les deux camps s'étaient déjà accusés d'avoir violée.
Samedi, l'Ukraine et ses principaux alliés européens, de concert avec les Etats-Unis, ont proposé à la Russie un cessez-le-feu "complet et inconditionnel" de 30 jours à partir de lundi, sous peine de sanctions économiques.
Mais pour les soldats ukrainiens interrogés vendredi, échaudés par plus de trois ans d'invasion russe, les promesses que pourraient faire le Kremlin ne valent rien.
"C'est que du blabla", lance le médecin Oleg.
Il estime qu'une trêve temporaire est de toute façon une solution imparfaite. Dès sa fin, les tueries reprendront de plus belle.
Oleg sort son téléphone, car il tient à montrer une photo prise en 2022. Il y apparaît souriant, un peu plus reposé, encadré des membres de son équipe en blouses médicales. A part lui, tous ont été tués ou gravement blessés depuis.
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